Comment définir le genre du Magical Girl ?

En début d’année 2021 a été diffusé l’animé Wonder Egg Priority, cette histoire de jeunes filles qui combattent dans un autre monde des monstres afin de faire revenir à la vie leurs amies s’étant suicidé. Au delà de ce que l’on peut penser de cet animé, une remarque que j’ai parfois pu lire m’a intrigué : WEP serait un animé de Magical Girl. Sur le coup, cela me semblait absurde, mais je me suis alors posé la question : qu’est-ce qui définit le Magical Girl au fait ? Je vous propose donc ici mon analyse de ce genre, afin de répondre à la question : Wonder Egg Priority est-il un animé de Magical Girl ?

De ce que j’ai pu lire dans l’ensemble, le Magical Girl est considéré comme un sous-genre de la fantasy japonaise mettant en scène des jeunes filles ayant des pouvoirs magiques. Cela étant dit, la définition même d’un genre et d’un sous-genre est également assez trouble, puisque par nature un genre est formé par les œuvres qui le composent et est donc en constante évolution.

Alors comment définir, de façon fondamentale, le genre du Magical Girl afin de déterminer si un cas limite en fait partie ou non ? Une première méthode qu’on pourrait qualifier de fondamentaliste serait d’aller à l’essentiel : Magical Girl signifie « Fille Magique », donc tant qu’on a un personnage féminin avec des pouvoirs magiques, on est bon. Sauf que l’on est bien d’accord que cela n’est pas suffisant, et que le genre en tant que tel ne se résume pas à cela, sinon une œuvre comme Harry Potter pourrait presque être considérée comme appartenant au genre.
On peut également revenir aux origines pour comprendre sa construction. Avant tout un genre issu de l’animation, les deux premières œuvres de Magical Girl sont Himitsu no Akko chan (1962 en manga, 1969 en animé) et Mahoutsukai Sally (1966), cette dernière ayant été inspirée par la sitcom américaine Ma sorcière bien-aimée. Dans ces deux œuvres, on retrouve une jeune fille qui va surtout utiliser des pouvoirs magiques pour régler des problèmes quotidiens. Les animés de Magical Girl des années qui suivent feront les choses de façon similaire. On constate donc que revenir aux origines du genre est également partiellement vain, car comme évoqué auparavant le genre a évolué, au point aujourd’hui de ne pas pouvoir être résumé à ce qu’il était au départ, même de façon fondamentale.

Une autre méthode que l’on peut envisager, c’est de se pencher sur les codes du genre.
De façon générale, on considère qu’un genre est défini par un ensemble de codes, mais encore une fois cette démarche peut se révéler insuffisante pour un cas limite comme celui que l’on étudie. On est face à un paradoxe de la forêt (ou du tas) : si on retire les arbres d’une forêt un à un, à partir de quel moment ce n’est plus une forêt ? Sauf qu’ici, nos arbres ce sont les codes d’un genre. A partir de combien de codes une œuvre appartient (ou n’appartient plus) à un certain genre ? Cela étant dit, voyons tout de même ce que l’on peut tirer de cette analyse.
Dans ce but, j’ai réalisé une petite étude des codes du genre. Pour ce faire, j’ai fait la liste des codes généralement associés au Magical Girl, et j’ai regardé sur un panel de 25 œuvres lesquelles avait tel ou tel code. La liste choisie contient aussi bien des classiques du genre que des cas limites, et je les ai également triés par date de sortie, avec la date de l’adaptation animée entre parenthèses si elle existe. Notez toutefois que cet exercice est loin d’être idéal, d’une part car n’ayant pas vu toutes les œuvres de la liste j’ai pu faire des erreurs vis à vis des codes, et d’autre part car beaucoup d’œuvres manquent certainement à l’appel, même si j’ai essayé de faire au mieux.

N’hésitez pas à ouvrir les images dans imgur ou dans un nouvel onglet pour mieux les lire !

La première chose que l’on constate, de façon assez évidente, c’est qu’on a à peu près toujours un personnage féminin principal ayant des pouvoirs magiques. Vu le nom, c’était à prévoir, mais ça ne fait pas de mal de le confirmer. On remarque par ailleurs la présence importante d’éléments visuels tels que le fait qu’un personnage ait une tenue particulière ou un objet particulier lorsqu’elle utilise ses pouvoirs, ainsi que la présence d’une scène de transformation. Les autres éléments apparaissent comme communs mais pas essentiels : la présence d’une mascotte, d’une équipe, …

Entre nous, je ne pensais pas que cette analyse me serait très utile, mais j’ai quand même réussi à en tirer quelques éléments intéressants pour ma réflexion personnelle, en particulier via Mahou Shoujo Site. En effet, mon analyse était auparavant que le Magical Girl reposait fondamentalement, au-delà d’une fille avec des pouvoirs magiques, sur l’aspect visuel, en particulier la tenue. Si je vous montre une Magical Girl, même sans reconnaître d’où elle vient, vous saurez dans la majorité des cas me dire que c’en est une. Le problème, c’est que j’aurai bien du mal à dire que Mahou Shoujo Site n’est pas une œuvre du genre, et pourtant ici il n’y a pas de tenue spécifique, mais quelques changements visuels (yeux, cheveux) et la présence d’un objet associé aux pouvoirs de chaque fille.

Elle possède une arme, et ses yeux ont changé de couleur, mais le personnage garde la même tenue

Finalement mon analyse est la suivante : le genre du Magical Girl repose sur 3 piliers : la fille, la magie et le visuel. Pour un animé de Magical Girl, il faut un personnage féminin au centre du récit, des pouvoirs magiques (donc surnaturels explicitement) et un élément visuel dans l’utilisation de ces mêmes pouvoirs, à savoir une tenue ou une transformation physique.

Alors dans cette histoire, Wonder Egg Priority est-il un animé de Magical Girl ? Eh bien j’ai deux problèmes avec cette affirmation. Si on a bien des personnages féminins assez jeunes au cœur du récit, la nature surnaturelle et donc magique de leurs pouvoirs me semble assez discutable. L’animé n’est jamais vraiment clair à ce sujet, et va même tenter de donner des explications avec des scientifiques et un espace potentiellement virtuel ou onirique, ce qui remettrait en cause l’aspect véritablement magique de la chose. Par ailleurs, les personnages n’ont aucune transformation visuelle. Elles ont bien un objet spécifique et voyant pour se battre, mais cela couplé au reste me semble un peu trop limite pour véritablement considérer Wonder Egg Priority comme un animé de Magical Girl.

Cela étant dit, je pense que dans le futur, WEP pourra être considérée comme une œuvre du genre. En effet comme je l’ai évoqué, un genre n’est pas fixe, il évolue avec son temps et surtout avec ses influences. Si WEP devenait une œuvre influente qui inspirerait plusieurs histoires de Magical Girl au point de créer des codes récurrents (comme l’absence d’éléments visuels au niveau du corps), alors on pourrait rétroactivement la considérer comme une influence du genre voire comme lui appartenant. Mais pour le moment, je la considère à part ! Qu’en pensez-vous ? Définiriez-vous le genre du Magical Girl autrement ?

2 commentaires

  1. Une œuvre qui m’avait questionné sur la définition c’était Little Witch Academia qui n’est d’ailleurs pas si loin d’Harry Potter en un sens. Je pense pas qu’il y est de ligne claire entre magical girl et pas magical girl.

    Chaque œuvre s’inspire de celles qui l’ont précédé et les magical girl sont tellement ancré que c’est pas étonnant qu’on en trouve un peu partout à différents dégrés.

    D’ailleurs Precure comme d’autres magical girls s’inspirent eux mêmes des sentai et en reprennent de nombreux codes donc on pourrait aussi se poser la question de si les magical girls sont des sentai ??

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  2. Merci pour cet article de qualité !

    J’avais voulu écrire un article dans le même genre l’an dernier mais je n’arrivais pas à approfondir mon analyse. Je pense que c’est très compliqué pour les œuvres qui ont quels codes mais pas tous. Je vois souvent Magic Knight Rayearth classé en magical girl mais pour l’avoir lu, je trouve qu’on est plus dans de l’héroic fantasy. Pareil pour Utena, je n’ai pas ressenti le côté magical girl quand je l’ai lu. A côté de ça, on pourrait se demander si Kiki la petite sorcière des studios Ghibli est un magical girl. Après tout, elle coche beaucoup de cases du genre, pourtant je trouve que ce n’est pas vraiment l’ambiance.

    J’avais lu une analyse disant que le magical girl, c’est surtout montrer la féminité (et les valeurs dites féminines par notre société) de façon positive et puissante. Je suis plutôt d’accord, dans le cas de Kiki par exemple, c’est surtout un film qui parle du travail et de l’effort, Kiki pourrait devenir un petit garçon, ça ne changerait pas complétement le film.

    Je pense qu’il faudrait séparer les magical girl sentai / warriors et magical girl « à l’ancienne ». Pour ma part, je n’ai pas du tout le même ressenti quand je lis l’un par rapport à l’autre.

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