Après la pluie, ode à l’amour et à la beauté

Quand j’ai vu l’annonce d’Après la pluie, aux éditions Kana, j’ai tout de suite su que ce serait un titre que j’allais apprécier. Pouvais-je cependant imaginer l’apprécier à ce point ? Probablement pas. Car si l’approche était celle d’une romance assez classique, une lycéenne au cœur du récit, Jun Mayuzuki m’a surpris à bien des égards, et notamment sur la forme, avec son titre.

En parlant de classique, si, à première vue, les graphismes d’Après la pluie pourraient en avoir l’air, il y a quand même une chose qui m’a frappé : le soin apporté au personnage principal Akira Tachibana. Ses amies ne sont pas en reste, certes, et cela offre au titre un charme lointain venu des années 80-90, façon « shôjo à l’ancienne », mais Akira sublime chaque planche de ses apparitions. Et j’ai retrouvé chez elle le côté très élégant des femmes de Leiji Matsumoto. La comparaison n’a pas de quoi rougir. Akira est grande et très élancée, sportive oblige puisqu’elle faisait du sprint. Avec ses cheveux longs, son visage un peu anguleux et ses yeux très expressifs, elle a tout le charme d’une femme issue du Leijiverse, et elle me fascine tout autant.

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akira-oeilSes yeux, en particulier, me fascinent. Ceux d’Akira sont de loin les plus beaux que j’ai pu voir depuis longtemps. Régulièrement montrés en gros plan, il s’en dégage toujours une profondeur et une beauté insoupçonnées. L’on dit souvent des yeux qu’ils sont un miroir de l’âme, et j’aime à penser que ceux d’Akira illustrent ce propos à merveille. Qui peut rester insensible à ce regard ? Pas moi. Tant de choses passent par celui-ci, perçant et provocateur. On y ressent toute la puissance de son innocence, mais aussi celle de ses sentiments à l’égard de son responsable. Ce qu’elle n’est pas toujours capable de dire se ressent à travers ses yeux.

Et quand son regard ne suffit pas, les ressentis passent aussi par de petits gestes, assez nombreux, ou quelques cases comiques, comme lorsqu’elle obtient la réponse qu’elle attendait pour ses prétentions amoureuses. Ces quelques réactions sont très humanisantes et, tout en la maintenant dans une position de jeune fille en fleur amoureuse, elles viennent atténuer sa froideur apparente. Comme lorsqu’elle sautille et trépigne sur place après avoir échangé quelques messages avec le patron du restaurant où elle travaille. Ces petites scènes, anodines, donnent beaucoup de charme à la lecture et insufflent une rythmique apaisante au titre.

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Après la pluie est un manga qui propose une mise en scène très visuelle et efficace, découpant régulièrement des actions qui auraient été réduites à une simple case ailleurs, voire n’auraient pas existé du tout. Un geste, une retenue, un recul d’hésitation, avant de sauter le pas et terminer l’action. En laissant ses personnages s’exprimer visuellement, Jun Mayuzuki prend le temps et s’épargne des lignes de dialogue ou de pensée parfois barbantes ou superflues. Le visuel va à l’essentiel. Malgré une sensation de lecture très rapide et digeste, de nombreux détails peuvent nous échapper si l’on ne prend pas le temps de s’attarder sur les (très beaux) dessins et le découpage de l’autrice. Car c’est parfois là qu’elle en dit le plus. Un pas, un regard, une hésitation. Il lui suffit de si peu de choses pour transmettre énormément et nous impliquer dans les sentiments de ses personnages, comme lorsqu’elle nous montre les magnifiques yeux d’Akira.

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Et, bien évidemment, le sentiment moteur de cette histoire, c’est l’amour. L’amour, avant tout, entre les personnages principaux, dans cette relation d’apparence impossible entre Akira Tachibana, jeune lycéenne de 18 ans à peine, et son patron au restaurant familial, Masami Kondo, un quarantenaire un peu simplet et maladroit, mais attachant. Leur relation va bien sûr évoluer, passant par des phases de doute ou de malaise, mais rien d’insurmontable pour des personnages qui vont s’investir et essayer de se comprendre. Car au-delà de l’amour qu’ils peuvent se porter, l’amour de leur passion saura se rappeler à eux. La littérature et l’athlétisme en toile de fond, un mélange de regrets pour nos deux héros, qui n’auront que trop le goût d’y retourner, comme une thérapie qui les aidera à avancer en surmontant leurs troubles, d’avant comme au présent.

le-lienAu long de leurs évolutions, ils seront soutenus par un casting qui leur apportera également beaucoup d’amour. Mais si quelques intrigues secondaires se joindront au récit, rajoutant aux ambiguïtés et problèmes d’être amoureux.se, nos deux héros auront surtout toujours une personne qui maintiendra leur lien avec leurs ambitions passées. Chihiro et Haruka sont peut-être finalement autant amoureux des deux personnages principaux qu’ils peuvent l’être de leur passion qu’ils exercent encore. Ils apportent ces petites madeleines de Proust que l’on redécouvre parfois, au détour d’un chemin de vie tout tracé. Ces doux souvenirs qui se rappellent à nous et nous donnent, une fois encore, l’envie de retrouver une passion mise de côté, un amour perdu.

Ainsi rouvrirai-je certainement un jour ces tomes, empreint du même sentiment de nostalgie qui me gagna à la lecture du dernier volume. Pour retrouver un amour perdu.

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Celui que j’ai pour Après la pluie.

3 commentaires

  1. Superbe article, sûrementle meilleurque j’ai lire sur le sujet…. J’ai ressenti la même chose lors de ma lecture. Une relation touchante, juste et réaliste a 1000 lieues des histoires d’amour habituelles. On sent que l’autrice a puisé dans les relations humaine (et son expérience?) pour écrire son récit, efficacement appuyé par son dessin.

    J’avais aussi fait le lien avec les femmes de Matsumoto mais je pensais que c’est mon cœur de fan qui me faisait parler (et j’ai un peu tendance à voir l’influence de Matsumoto partout😂), ravi de voir que je suis pas le seul.

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    1. Eh oui, j’ai une bonne appréciation de Matsumoto et c’est vrai que j’ai assez vite fait le parallèle en retombant sur une vidéo qui parlait de son esthétisme des personnages féminins !

      Ç’a aussi été un gros coup de cœur pour un travail très maîtrisée de la part de l’autrice, et je pense avoir assez bien réussi à transmettre ce que je ressentais, donc je suis plutôt content, et content que ça plaise ! Merci pour ton commentaire 🙂

      Aimé par 1 personne

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